Ce mois-ci, j’ai eu le plaisir d’interviewer Bérangère Touchemann sur son parcours professionnel riche et varié.
Ex- commerciale, elle s’est lancée dans l’entrepreneuriat avec une activité de formation puis de coaching, avant de retourner dans le salariat dans le public.
Dans cette interview vous découvrirez qu’est-ce qui l’a poussé à se réinventer de multiples fois, la principale difficulté rencontrée avec le retour au salariat et ces meilleurs conseils pour faire les bons choix professionnels.
Si vous le souhaitez, vous pouvez également retrouver l’intégralité de notre conversation sur ma chaîne Youtube.
Pour commencer, est-ce que tu peux nous raconter brièvement ton parcours ?
Je suis Bérangère, j’ai 42 ans et je suis maman de deux enfants.
Après mon mon diplôme Sup de Co, j’ai démarré dans la fonction commerciale.
Tout se passait très bien au dèbut. J’étais dans de grosses entreprises et j’ai évolué vers du management commercial.
C’était très terrain et technique, et bien évidemment très « processisé », comme savent le faire les grosses boîtes !
Et puis, j’ai eu envie de changer. J’avais besoin de transmettre.
Donc je suis allée vers la formation.
Et plus précisément, la formation de la fonction commerciale.
Ensuite, l’organisme de formation pour lequel je travaillais m’a proposé d’autres missions et ça c’est fait à l’opportunité.
J’ai donc d’abord fait de la formation pour la fonction commerciale, puis j’ai eu des accompagnements de projet pro d’alternants.
Ensuite, j’ai voulu me professionnaliser et me former.
À l’époque à Toulouse, il y avait un DU coaching. C’était un diplôme pionner dans le métier de coach.
Il faut se remettre dans le contexte : on était en 2013 et on ne parlait pas encore du coaching comme on en parle aujourd’hui. Le coaching n’était pas autant démocratisé.
Et finalement, suite à cette formation, j’ai lancé mon cabinet de d’accompagnement à la transition professionnelle via du coaching.
Avec le recul j’ai fait effectivement beaucoup de conseils en transition professionnelle mais j’ai aussi fait beaucoup d’accompagnement à la création d’entreprise et notamment sur d’entreprise du web.
C’était une aventure entrepreneuriale qui a duré 8 ans et qui s’est soldée par l’écriture d’un livre.
Pendant ces 8 ans, j’ai commencé avec l’accompagnement des transitions pro pour tout type de profil.
Et j’ai fini par me spécialiser sur la niche des mamans.
J’étais maman et c’était important pour moi de le dire, parce que, pour moi, ce rôle contribue à dessiner les parcours professionnels des femmes.
Donc j’ai écris ce bouquin : « Working Mum » que j’ai publié chez Vuibert dans la collection My Happy job.
Et à partir de là j’ai eu le sentiment d’avoir tout dit.
J’avais le sentiment que tout ce que je disais dans mes programmes d’accompagnement avait été dit dans ce livre.
J’ai eu l’impression d’avoir atteint une limite où je n’apprenais plus.
J’ai eu besoin de me renouveler.

J’ai donc décidé de d’arrêter l’entrepreneuriat et de fermer mon entreprise.
La fermeture s’est faite officiellement en mars 2021 et entre-temps j’avais signé un contrat de conseillère en formation continue dans un Greta.
Aujourd’hui, j’y suis toujours et je travaille pour l’éducation nationale en tant que contractuel.
Je suis ce qu’on appelle conseillère en formation professionnelle pour une unité au sein du Greta.
Pour information, il y a plein d’unités géographiques et dans différents secteurs d’activités au sein de la formation continue et de la formation professionnelle. Il y a l’apprentissage, la formation initiale et la formation continue. Moi je travaille dans la formation continue et l’apprentissage.
Et aujourd’hui, je développe les formations sur la santé, le soin et du secteur social pour l’éducation nationale sur un secteur géographique.
C’est ma troisième année et ça se passe super bien !
Je suis très contente de ce virage !
Tes virages paraissent très naturels, mais quels ont été les différents déclics qui t’ont fait te reconvertir ?
Alors quand je suis partie de la dernière boîte dans laquelle je bossais que je ne citerai pas, je suis partie sur un gros coup de gueule !
Je m’étais rendu compte que j’avais été discriminée sur mon salaire parce que j’étais une femme.
On est en 2010 et j’ai donc demandé un entretien avec mon directeur commercial quand j’ai réalisé que j’avais été embauchée en même temps qu’un gars qui était moins qualifié que moi pour le même poste sur un autre secteur géographique et lui était mieux payé.
Ça ne m’a pas plu du tout et j’ai donc signé une rupture conventionnelle avec cette boîte.
Et à ce moment-là, je ne me sentais pas du tout capable de rempiler dans une grosse boîte.
J’avais envie de fixer mes propres règles.
Je suis une fille de commerçant et l’entrepreneuriat c’était pour moi.
J’avais besoin de tracer mon propre parcours.
Et ça c’est donc fait naturellement : je n’avais plus envie de revenir en arrière et je ne reviendrai d’ailleurs plus sur ce type de métier.
J’étais donc à l’écoute de nouvelles opportunités et c’est ce qui a fait que dans le centre de formation dans lequel je travaillais au départ, j’étais disponible.
Donc on m’a donné plus d’heures. Et durant ces heures j’avais envie d’apprendre. Je voulais faire ma place dans la fonction formation.
Donc je me suis beaucoup documenté, j’y ai mis beaucoup de sérieux et j’ai misé sur mes forces : l’accompagnement et la formation.
Et d’ailleurs, ça a toujours été le fil rouge de mon parcours de faire monter l’autre en compétences.
Après, je suis partie dans l’entrepreneuriat avec mon cabinet de coaching et ça s’est fait de fil en aiguille.
Au départ, j’étais une des seules sur Toulouse à faire du coaching et c’était très facile pour moi de trouver des clients.
Jusqu’à mon point d’arrivée où j’avais une petite entreprise. On était une dizaine à travailler entre tous les prestataires que j’avais.
Et là, c’était très différent. Je n’accompagnais plus du tout et j’étais plutôt sur le volet pilotage d’entreprise.
Je n’étais plus du tout proche de l’accompagnement mais par contre, j’ai amélioré mes compétences en gestion notamment gestion budgétaire, prise de décision entrepreneuriale etc…
Et ce qui a fait le déclic pour arrêter cette aventure, en version courte c’est qu’en 2019 je suis passée 100% en ligne.
En 2020 il y a eu le Covid, ça a super bien marché. J’ai fait ma meilleure année, parce que personne n’avait envie de reprendre son boulot après le confinement.
Mais en 2021, il y a eu tellement de concurrents arrivés sur le web que ça a fait flamber les prix de la pub. Les clients étaient plus difficiles à trouver et en parallèle, j’avais l’impression de ne plus rien apprendre.
Et du coup, je perdais la motivation à vouloir continuer dans cette voie avec toutes ces nouvelles contraintes.
J’étais vraiment dans le même l’esprit que quand j’ai quitté ma première entreprise. Je ne voulais pas y revenir parce que j’avais fait le tour. J’avais tout consommé.

Et puis, je travaillais qu’avec des gens à distance et j’avais envie de retrouver une équipe, de me retrouver à la machine à café avec les collègues.
Quand je savais que j’allais fermer ma boîte, j’ai commencé à postuler.
Et en fait j’ai commencé ma recherche d’emploi, j’ai envoyé cinq candidatures et j’ai eu quatre entretiens très rapidement.
Tout de suite ça m’a conforté dans mon choix.
Quand on est entrepreneur du web on développe des compétences qui sont très recherchées. J’avais été familiarisée avec Qualiopi, avec le management d’équipe, le développement, etc…
Donc, quand tu as une expérience entrepreneuriale, tu peux carrément revenir au salariat.
Tu as ces softsskills que les entreprises attendent. Tu as développé de la résilience, de l’autonomie, de la prise de décision, de la créativité.
En plus, pour mon job, il y avait une grosse part de rédactionnelle que j’avais eue dans mon activité.
Et si je prends le secteur de la formation, il n’y a pas tant de candidats avec les bonnes compétences et pourtant il y a beaucoup de boulot.
Donc pour résumer, chaque switch c’est fait assez naturellement.
Après, c’est aussi mon fonctionnement. Je me connais bien et je suis toujours en train de penser à l’étape d’après.
Donc ça m’a toujours permis de bien anticiper toutes les étapes et saisir les opportunités quand elles se présentaient.
Et es-tu déjà en train de penser à ton prochain switch ?
Non, pas encore !
Je suis encore en train d’apprendre plein de choses, et il y a encore plein de changements à venir avec les différentes réformes sur la formation.
Et puis, j’ai appris à aimer des trucs que je n’aurai jamais imaginés il y a quelques années ! Genre Qualiopi, maintenant j’adore !
Il y a tellement de métiers dans la formation, et des nouveaux métiers qui se créé constamment.
J’ai confiance que j’ai encore beaucoup à faire dans ce milieu de la formation/éducation qui est en constante évolution.
Par contre, mon nouveau projet personnel, c’est d’écrire un roman !
Comment a réagi ton entourage par rapport à tous ces changements de métiers ?
Quand je suis passée du salariat à l’entrepreneuriat, il n’y avait pas eu de doute particulier.
Mon conjoint et mes parents m’ont toujours fait confiance et j’avais quand même un diplôme d’école de commerce donc au pire je pouvais toujours trouver un job de commercial.
En plus, j’ai eu les 2 ans de chômage avec Pôle Emploi au début, donc c’était assez facile de se lancer.
Je m’étais fixée l’échéance de la fin de chômage pour confirmer que c’était financièrement viable et en fait, ça a très bien marché très rapidement.
Après sur le retour au salariat, quand j’ai cherché du boulot, j’ai vu que j’avais tellement d’entretiens que c’était facile.
Donc personne n’a eu peur non plus. J’ai un entourage qui m’a toujours soutenu.
Mon avis, c’est qu’on est dans un âge d’or de l’emploi avec tous les départs en retraite.
Donc aujourd’hui, je n’estime pas que c’est risqué d’essayer de nouveaux projets professionnels.
Et as-tu rencontré des difficultés dans tes changements de voie ?
Du salariat vers l’entrepreneuriat, les planètes étaient alignées :
- j’avais fait le deuil de mon boulot,
- j’avais grandi dans un environnement entrepreneurial,
- j’avais 2 ans de chômage qui me sécurisait
- j’avais un diplôme en back up pour revenir sur le marché du travail.
La difficulté par contre de passer de l’entrepreneuriat vers le salariat a été de faire le deuil de ma boîte et de la mentalité entrepreneuriale.
Mon métier ne me plaisait plus trop, mais je baignais dans un écosystème entrepreneurial du web avec des masterminds où Elon Musk est notre « roi » !
Avec cette mentalité où tout repose sur la responsabilité individuelle : si tu réussis quelque part, c’est grâce à toi, si tu ne réussis pas c’est à cause de toi.
Tout cela me semble aujourd’hui totalement faux.
Il y a une multitude de facteurs externes et tout un écosystème socio-économique qui fait que tu n’es pas toujours responsable de faire le million ou non avec ta boîte.
Et ça, j’ai eu du mal à sortir de cet état d’esprit. J’en étais tellement imprégnée.
En plus le fait de travailler désormais dans le service public, il y a cette notion de service avant la partie financière. Et là, c’est un nouveau monde qui s’est ouvert à moi.
Je suis dans une optique aujourd’hui qui est complètement décorrélée du financier.
Alors bien sûr, il faut que je fasse attention à la partie financière. Quand je lance une formation, il faut que je puisse payer mes formateurs.
Mais je ne suis plus dans l’ultra productivisme où il faut faire un maximum de clients, où il faut en faire toujours plus, etc…
Et j’ai aussi une source de satisfaction autour de cette notion d’insertion.
Quand j’avais ma boîte, j’accompagné majoritairement des femmes cadres.
Là j’accompagne à l’insertion et c’est vraiment un monde très différent. Je trouve ça vraiment top cette nouvelle ouverture.
Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui cherche à se reconvertir pour avoir la même sérénité que toi ?
1/ Bien se connaître et faire un travail sur soi.
Il faut connaître ses limites et ses besoins pour bouger avant de sombrer.
Ce qui fait que je n’ai jamais sombré, c’est que j’ai toujours connu mes limites.
Par exemple, avec ma boîte, j’ai eu une décision à prendre : est-ce que j’investis plus avec plus de pub et quelqu’un en plus pour faire plus de chiffres, mais sans réelle motivation, car je commence à me lasser. Et dans ce cas-là, je sais que je vais avoir la boule au ventre de cette situation, que ça va me peser sur ma vie perso. Ou est-ce que je me retire du « game » ? Et si je me retire, qu’est-ce qui me ferait plaisir ?
2/ S’accorder le droit à l’erreur : le monde est tellement grand, il y a énormément d’opportunités.
Je fais partie des personnes qui voient toujours le verre à moitié plein. Il y aura toujours des opportunités à créer !
Et le marché de l’emploi est actuellement très dynamique donc il faut en profiter.
Et quels conseils pour ceux qui hésitent entre salariat et entrepreneuriat ?
Les deux m’ont beaucoup apporté.
Et contre toutes les idées reçues, grâce à l’entrepreneuriat, j’ai pu être très attractive pour revenir dans le salariat.
Je crois que ce qu’il faut retenir, c’est qu’il est toujours possible de revenir en arrière.
Il y a de belles expériences à vivre dans les deux cas.
Connaissez-vous bien et à partir de là explorez ce qui vous attire.
Vous souhaitez retrouver Bérangère et échanger avec elle sur son parcours ou les métiers de la formation ? Retrouvez-la sur LinkedIn.

Que pouvons-nous retenir du parcours de Bérangère : du salariat à l’entrepreneuriat puis retour au salariat ?
1/ Il n’y a pas de mauvais choix
Qu’importe votre projet professionnel, vous pourrez toujours rebondir. Faites-les choix guidé par votre cœur à cet instant t, et vous saurez plus tard si c’est le bon choix ou non. L’important, c’est de bouger quand vous en avez marre de votre poste actuel. Le mauvais choix, c’est de ne pas faire de choix !
Et je ne le dirai jamais assez souvent : l’entrepreneuriat n’est pas supérieur au salariat. Les deux ont leurs avantages et inconvénients.
2/ Se connaître est le pilier de tout changement professionnel
Pour être sûr de faire les bons choix, faites un vrai travail d’introspection. Quels sont vos talents, vos besoins, vos priorités, vos envies…
Mieux vous vous connaîtrez, plus vous pourrez être épanoui professionnellement.
N’hésitez pas d’ailleurs à découvrir mon précédent article : « Suis-je fait pour l’entrepreneuriat ? » pour vous poser les bonnes questions.
3/ Le profil entrepreneur ne fait pas toujours peur aux entreprises
J’entends souvent : « Si je me lance à mon compte et que ça ne marche pas, plus aucune société ne voudra de moi. »
Bérangère a eu 4 retours positifs sur 5 candidatures. Tenter une aventure entrepreneuriale, c’est développer tout un tas de compétences très précieuses pour l’entreprise. Si vous savez vous vendre, toutes les entreprises devraient vous ouvrir la porte.