Sébastien, faire de sa passion son métier

Reconversion : faire de sa passion son métier

Ce mois-ci, j’ai eu le plaisir d’interviewer Sébastien Dréval qui a fait de sa passion son métier. Ex-ingénieur en plasturgie, il s’est reconverti en brasseur puis plus récemment dans l’accompagnement des brasseurs dans leur reconversion.

Dans cette interview vous découvrirez comment il a réinventé sa vie professionnelle, les difficultés qu’il a rencontrées et ses conseils pour vous reconvertir.

Si vous le souhaitez, vous pouvez également retrouver l’intégralité de notre conversation sur ma chaîne Youtube.

Sébastien, brièvement, quel est ton parcours ?

Alors, j’ai commencé par faire des études d’ingénieur Chimie.

Une fois diplômé, j’ai été ingénieur en plasturgie pendant 3 ans, en Alsace.

J’ai malheureusement vite fait le tour et mon job ne me passionnait pas trop.

J’ai donc fini par démissionner pour suivre ma passion et apprendre à brasser de la bière à Bordeaux.

J’ai d’abord été opérateur de brasserie.

Et après je me suis occupé de la production.

Je me suis également associé avec mon patron et un collègue pour lancer un pub accolé à la brasserie.

C’était super, mais j’ai trop tiré sur la machine…

J’ai fait un burn-out.

En parallèle de car arrêt, avec ma femme, on se disait qu’on voulait rentrer dans notre région natale : le Finistère.

J’ai eu alors l’opportunité de m’occuper d’une brasserie historique dans le Finistère.

Le job était génial, mais j’étais en désaccord avec la vision de la direction.

En Décembre dernier, j’ai donc signé une rupture conventionnelle.

Cela faisait déjà un an que j’avais le projet d’accompagner les brasseurs dans leur reconversion et les aider à améliorer leur pratique.

J’avais d’ailleurs commencé en Juin dernier à lancer une newsletter hebdomadaire.

Et depuis le début d’année, je suis donc à mon compte avec une activité de consultant et formateur.

Revenons un peu sur les étapes clés de ton parcours, comment en es-tu venu à tout plaquer pour te lancer dans la brasserie ?

J’ai commencé mon boulot d’ingénieur en Avril 2013.

Et très vite, j’ai voulu avoir une activité en parallèle de ce job.

Par hasard, je suis tombé sur un forum de brasseurs amateurs et je me suis fait la réflexion : « tiens, comment fait-on de la bière ? »

J’ai fouillé, j’ai vu des molécules dans tous les sens et je me suis dit c’est génial !

Il y a vraiment le lien avec la chimie qui est présent.

Donc j’ai commencé à brasser chez moi.

J’aimais bien les aspects : toucher le produit, réaliser quelque chose de concret et apporter du kiff aux gens derrière.

Je brassais pour moi, mais surtout pour mon entourage.

À un EVG (enterrement de vie de garçon), j’avais ramené une bière que j’avais faite et les gens ont vraiment adoré.

Ça a donc commencé à me faire réfléchir….

Je m’ennuyais dans mon boulot. C’était stimulant intellectuellement, mais je n’avais pas de lien avec de futurs clients. Et je ne voyais donc pas à qui j’apportais satisfaction et ça, ça manquait.

A contrario, dans la bière, j’avais justement ce côté où je travaille sur quelque chose de concret et je vois directement le consommateur content.

Enfin, le déclic qui m’a fait tout quitter a été une rupture amoureuse.

Quand on s’est séparé, j’ai fait le constat que je faisais un taf qui ne me plaisait pas forcément, dans une ville qui ne me plaisait pas plus que ça.

Donc plus rien ne me retenait.

Je voyais que je pouvais faire un job qui me plaisait et apporter du plaisir aux gens.

Donc le choix a été vite fait, et je me suis lancé dans ma reconversion pour devenir brasseur.

Avais-tu des peurs avant de te lancer ?

J’ai mis 2 ans à sauter le pas. Bien évidemment que j’avais de nombreuses peurs !

Y avait d’une part le côté : « j’ai fait toutes ses études pour m’ennuyer au bout d’un an…. Ce n’est pas possible ! Si je recommence tout après 5 ans d’étude, est-ce que ce n’est pas un caprice ? »

Et puis, j’avais une situation confortable.

En tant qu’ingénieur, homme blanc, vivant en France la vie est simple ! Tu es socialement reconnu, tu as un salaire qui tombe tous les mois, tu peux louer ou acheter un habitat facilement.

Mais je n’étais vraiment pas heureux et j’avais une dissonance interne énorme.

Avec toutes ces peurs, ça a été assez complexe pour oser sauter le pas.

Il m’a fallu un déclencheur fort pour passer à l’action.

Quand j’ai eu cette rupture, je me suis vraiment dit que je n’avais plus rien à perdre. Je n’allais pas attendre qu’une solution hypothétique arrive.

Je voulais me faire plaisir maintenant.

Et comment a réagi ton entourage à cette reconversion vers ton métier passion ?

Globalement, j’ai eu du soutien.

J’avais très peur qu’on me prenne pour un fou.

Et à part 2-3 personnes qui m’ont dit : « toutes ces études, pour ça ? ».

J’ai été agréablement surpris du soutien.

Et notamment celui de ma mère qui m’a juste posé des questions factuelles.

Tu as trouvé un job facilement par la suite ?

Je m’intéressais à cet environnement depuis 2014.

Donc j’étais allé à la rencontre de brasseurs pour être sûr que ça me plaise.

Ça me plaisait de brasser chez moi, mais être professionnel c’est tout autre chose.

Je suis assez intense dans ce que je fais, donc je suis allé à fond pour creuser le sujet.

Et y il avait un syndicat national qui se mettait en place pour coordonner les actions des brasseries indépendantes.

Donc j’ai commencé à avoir des contacts.

Ensuite, tous les jours, je passais devant une brasserie et un jour il y a eu une offre accrochée.

J’ai postulé, je n’ai pas été pris, mais le gars a aimé ma passion et ce que je dégageais.

Il m’a conseillé à un autre brasseur qui cherchait quelqu’un.

Une fois de plus, je n’ai pas été pris. Mais pareil, le contact était bien passé donc il m’a conseillé à un autre brasseur à Bordeaux.

Et c’est là où j’ai été pris.

Et en fait, ces trois personnes qui relayaient ma candidature faisaient partie du fameux syndicat qui se mettait en place.

Avoir travaillé mon réseau aura donc été très important dans cette recherche.

J’avais également travaillé à fond mes candidatures, j’envoyais des bières de motivation. J’étais ultra créatif pour personnaliser mes candidatures.

Bon j’ai eu au total peut-être 80% de refus, mais j’ai fini par obtenir 3 propositions de CDI.

Et finalement, ça a été plus simple de trouver un poste de brasseur sans expérience qu’un poste d’ingénieur.

Faut dire que la motivation n’était pas la même et donc cela joue beaucoup !

Pour la première fois de ma vie, j’avais le choix du job.

Le projet qui m’a le plus plu était celui à Bordeaux.

Et je suis donc parti pour Bordeaux.

Comment as-tu vécu le fait de faire de ta passion ton métier ?

Alors, il y a eu deux étapes.

La première j’étais sur un nuage, c’était trop bien.

J’étais payé à faire de la bière !

Sébatien, métier passion dans la brasserie

Personne ne m’embêtait sur la façon de m’habiller.

Quand j’étais ingénieur, je m’étais coupé les cheveux. Fallait rentrer dans le moule.

Être dans des bureaux.

Je n’étais pas en contact avec les clients, mais l’été, je ne pouvais pas venir en short….

Qu’est-ce qu’ils venaient m’embêter avec ça ?!

À partir du moment où je faisais mon travail, ça n’avait aucun sens.

Et là tout le monde s’en fout, tu viens comme tu es.

Tant que ton taf est fait, c’est bon.

Donc gros kiff ce métier passion !

Mais physiquement, c’était quand même intense.

Et comme je n’avais pas d’attache, je pouvais me mettre à 200% dans mon job.

Si je devais refaire ça, aujourd’hui, ce ne serait pas possible, car on a un petit garçon. Donc je ne pourrais pas me mettre à 200% dans mon job.

C’était donc le bon moment pour le faire.

Mais je me suis quand même cramé…

J’étais trop à fond. Tout était trop bien donc je prenais toutes les opportunités.

Et le fait de s’associer pour faire le pub, c’était un truc que j’avais déjà en tête avant de me reconvertir.

Et là , ça devenait concret, donc je me disais « Go » !

Seulement je n’avais pas mesuré l’impact que ça pouvait avoir et je ne me suis pas posé.

Je n’ai pas pris le temps de réfléchir, de poser le Pour et le Contre.

Et c’est ça le danger de faire de sa passion son métier : ne pas réussir à s’arrêter.

Et comment as-tu réagi suite à ton burn-out ?

J’ai essayé de comprendre pourquoi.

Je me suis posé la question : qu’est-ce qu’il s’est passé entre « il y a 3 ans c’était le meilleur job du monde » et « je n’en peux plus, je n’ai plus d’énergie » ?.

Qu’est-ce que j’ai fait comme erreur pour en arriver là ?

Et qu’est-ce que j’aime vraiment ?

J’adore vraiment l’écosystème de la brasserie. Pour la première fois de ma vie, je me sentais bien professionnellement. Donc j’avais envie d’y rester.

Mais est-ce que j’avais envie d’y rester dans ces conditions ?

Est-ce que j’adhérais aux valeurs de la brasserie ?

Est-ce qu’on pouvait me proposer ce que j’aimerai qu’on me propose dans cette brasserie ?

J’ai réalisé que j’avais atteint un plafond.

Je ne pouvais pas aller plus haut, je ne pouvais pas faire plus de choses à ma façon et je n’adhérais pas à leur vision.

En plus de cela, avec ma femme, on n’était pas épanoui à Bordeaux.

C’est une très grande ville, et y a des micro différences culturelles dans lesquelles on ne se reconnaissait pas.

On s’est donc dit qu’on allait rentrer dans le Finistère et que j’ouvrirai ma brasserie.

Mais étant en arrêt, je me laissais le temps d’avancer tranquillement avant de faire le move.

Et là, pendant que j’étais en arrêt de travail, une opportunité s’est présentée.

À Brest, une brasserie cherchait un brasseur avec une casquette industrielle.

Il n’y avait que trois brasseries de cette taille dans le Finistère, alors je me suis dit que cette opportunité était pour moi.

J’ai postulé, j’ai été pris et on est retourné à Brest.

Finalement, tu t’es lancé dans l’accompagnement des brasseurs en reconversion, qu’est-ce qu’il s’est passé ?

À la base, j’avais cette vision de monter une brasserie.

Je ne savais pas qu’il y avait ce modèle où une entreprise avait plusieurs brasseries et cherchait des gérants pour les gérer.

Donc, quand j’ai vu l’offre sur Brest, je me suis dit trop bien !

Je vais pouvoir apprendre plein de choses avec des projets supers stimulants.

Finalement, il y a eu une grande différence entre ce qui était dit et la réalité.

Les projets n’étaient pas la priorité.

Je me suis alors dit tant pis, je reste et rien ne m’empêche de travailler à développer la brasserie.

Ils étaient réticents, car on était en période de Covid. Et je me disais que j’allais leur montrer de quoi j’étais capable pour qu’ils me fassent confiance pour leader les projets de la brasserie.

Finalement, ça n’a pas suffi. Je me prenais des limites dans tous les sens.

Les décisions ne me paraissaient pas cohérentes.

Bref, je n’étais plus en accord avec la vision de la direction.

Reconversion métier passion Sébastien

En parallèle, comme je gérais une équipe, j’ai pu voir que ma façon de manager marchait bien.

Et en formant les nouveaux arrivants, j’ai réalisé que j’aimais bien faire ça.

J’aimais transmettre aux gens un savoir de manière ludique et voir que le message passait bien.

Et ma petite victoire a été une fille qui ne trouvait pas trop sa place et qui s’est trouvé une passion pour la bière simplement parce que je lui ai transmis mon savoir et ma passion.

Apporter du kiff aux employeurs qui évoluent tous les jours dans leur job, c’était mon nouveau kiff !

Et là dessus, j’étais limité dans cette brasserie.

Donc je me suis dit que j’allais monter mon propre projet pour accompagner ceux qui travaillent dans le secteur de la bière.

En confrontant cette idée à la réalité via un sondage sur un groupe Facebook, j’ai été surpris de l’enthousiasme des gens à cette idée.

Par contre, entre l’idée et l’action, là aussi, j’avais beaucoup de peurs…

Je me demandais si je n’étais pas en train de fuir quelque chose, si je n’étais pas un éternel insatisfait.

Mon fils est né en janvier 2022 et ça m’a fait une vraie prise de conscience.

Ce n’était pas moi le problème.

Je n’avais juste pas envie de continuer de travailler dans cet environnement.

Et je voulais un travail où je pouvais avoir du temps pour être présent pour mon fils.

Que mon travail ne soit pas mon unique source d’épanouissement.

Je ne voulais pas mettre ma vie au service de mon travail, mais mon travail au service de ma vie.

J’ai donc travaillé mes peurs en préparant ma transition.

On a acheté une maison pendant que j’étais en CDI.

Puis, j’ai négocié une rupture conventionnelle pour obtenir le chômage.

On a fait le calcul de nos dépenses pour estimer les revenus qu’on devait générer.

Et ainsi, j’ai pu lever mes peurs et avancer pas après pas pour donner forme à ce nouveau projet.

Quels conseils donnerais-tu à ceux qui cherchent leur voie ?

Je conseillerai de passer par 4 étapes, dans cet ordre :

Étape 1 : Faire le point sur soi.

Les questions à se poser :

  • Pourquoi on en est arrivé là ?
  • Qu’est-ce qu’on aime dans ce qu’on a fait ?
  • Quels sont nos talents ?
  • Qu’est-ce qu’on ne veut pas faire ?
  • Est-ce qu’il y a un secteur qui nous attire ?
  • Pourquoi il nous attire ? (effet de mode ou sentiment interne profond ?)

Dans ma démarche, j’ai suivi une formation pour création d’entreprise avec LiveMentor, et j’avais adoré le bouquin d’Alexandre Dana, fondateur de LiveMentor : « La méthode LiveMentor ». Dans son livre et sa formation, la première étape, c’est exactement ça : qu’est-ce que tu veux et pourquoi ?

Ça s’applique pour les entrepreneurs, mais aussi les salariés.

Est-ce que tu choisis cette voie juste pour avoir un salaire fixe et faire ta passion dans ton temps libre. Et dans ces cas-là pas de problème.

Mais si tu ressens une dissonance interne, alors qu’est-ce que tu pourrais faire d’autre ?

Ce travail d’introspection reste très dur à faire.

Ce qui m’amène à la deuxième étape.

Étape 2 : En parler autour de soi.

Focalisez-vous sur les personnes qui vont être un soutien.

Étape 3 : Rencontrer des gens plus avancés que soi.

Quand je me suis reconverti, je suis allée parler à des brasseurs, j’ai testé de brasser, etc… Et c’est ça qui permet de confirmer que c’est la bonne voie.

Étape 4 : Agir

Ne pas rester dans ses réflexions.

Pour finir : Ne pas avoir de regret

Ce n’est pas parce que tu n’as pas réussi du premier coup que tu as échoué.

On a tendance à se flageller en se disant : « je n’aurai pas dû faire tout ça, quel temps perdu… »

Alors, qu’il faut regarder de l’autre côté : « qu’est-ce que j’ai appris ? »

Car c’est grâce à ces apprentissages qu’on apprend à mieux se connaître et qu’on avance.

Le parcours de Sébastien vous a inspiré ? N’hésitez pas à le retrouver sur LinkedIN ou vous abonner à sa newsletter.

Que peut-on retenir de la reconversion de Sébastien ?

Faire de sa passion son métier peut avoir certains dangers

Un des problèmes de faire de sa passion son métier est qu’on se dédie à 200% dans son activité. Vie pro et vie perso se mélangent. Et si vous ne savez pas poser ses limites, ça peut vite finir en burnout. Même si vous adorez votre job, n’oubliez jamais que vous avez aussi besoin de temps de repos rien que pour vous.

Suivre constamment notre petite voix interne

Sébastien l’a très bien fait à trois reprises : quand vous sentez une dissonance en interne, c’est qu’il y a quelque chose à modifier. Il n’y a pas de caprice ou de doute à avoir, écoutez-vous et n’hésitez pas à vous réinventer plusieurs fois au besoin. Et si vous savez qu’il faut bouger, mais vous ne savez pas vers quelle direction, lisez mon précédent article : trouver sa voie professionnelle : 5 exercices

On a tous des peurs, l’important c’est de les diminuer.

Sauter dans l’inconnu fera toujours peur. L’important c’est de les diminuer. Et pour cela rien ne vaut une bonne préparation en amont. Pour ce qui est de la partie financière, n’hésitez pas à lire mon précédent article : « Comment gérer financièrement sa transition ? »

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